Abou Bakr El Kadiri, né à Salé en avril 1913 et décédé le 2 mars 2012, est l’un des pionniers du Mouvement national marocain et l’un des promoteurs de la réforme et de la modernisation du système éducatif au Maroc.

Issu d’une famille de notables d’ascendance chérifienne, descendante d’al-Hassan ibn Ali et du cheikh Abdelkader al-Jilani (mort à Bagdad en 1166) et installée à Salé depuis la fin du XV e siècle, il est le quatrième fils d’Ahmed ben Cherif El Kadiri (né vers 1857 et décédé le 11 novembre 1921) et de Yamna bent Ghali Lamrini. Son père, qu’il perd à l’âge de 8 ans, était l’une des plus importantes autorités morales de la ville de Salé. Après des études coraniques et religieuses auprès d’oulémas tels que Ahmed El Jariri, Ahmed Benabdenbi, Mohamed Belarbi Alaoui et Chouaib Doukkali, il intègre à l’âge de 18 ans l’école des fils de notables de Salé pour y apprendre le français et recevoir un enseignement moderne, mais en est exclu abusivement.

Il a fondé en 1933 une école arabe libre, Ennahda (Renaissance), devenue à la fin des années 1940 un lycée, qui a formé plusieurs générations d’élèves et qui a été à l’origine d’une transformation en profondeur du système d’enseignement et d’éducation au Maroc. Son combat pour l’éducation et son action pour le développement d’un enseignement marocain arabe moderne, ouvert aux garçons comme aux filles, l’a exposé à de fortes pressions de la part des autorités du Protectorat durant plus de deux décennies et l’a même conduit en prison en 1935.

Comptant parmi les dirigeants-fondateurs du Mouvement national marocain dès les années 1930, Abou Bakr El Kadiri a été tour à tour membre de la cellule clandestine dite Taïfa, cofondateur du Comité d’Action Marocaine et l’un des 10 signataires du Plan de Réformes marocaines présenté en décembre 1934, cofondateur du parti de la Koutla en octobre 1936, puis parmi les fondateurs du Parti National en juillet 1937, ce qui lui a valu, à l’interdiction du parti, d’être arrêté le 25 octobre 1937 et incarcéré au pénitencier d’El Adir, près d’El Jadida.

Il participe en décembre 1943 à la création du parti de l’Istiqlal, et est l’un des signataires du Manifeste de l’indépendance du 11 janvier 1944 et l’organisateur des manifestations du 29 janvier 1944 à Salé, qui lui valurent près de deux ans d’incarcération à la prison El Alou de Rabat.

Libéré fin 1945, il reprend ses activités politiques et éducatives, qui ne s’arrêtent qu’avec sa nouvelle arrestation et celle d’autres dirigeants du parti de l’Istiqlal le 8 décembre 1952. Il est alors éloigné et détenu dans le Haut-Atlas, avant d’être présenté devant le tribunal militaire de Casablanca. Il est libéré en septembre 1954, dans le cadre de la préparation des conditions devant permettre le retour d’exil de SM Mohammed V.

Après l’indépendance du Maroc en 1956, Abou Bakr El Kadiri poursuit son action dans le domaine de l’éducation, et est désigné membre de la Commission Royale de réforme de l’enseignement formée en 1960. Il continue par ailleurs de faire de l’institution Ennahda, qu’il a dirigée pendant près de cinq décennies, un référentiel de l’école marocaine. L’année 1958 voit ainsi la sortie de la première promotion de bacheliers de l’institution, qui compte 9 hommes et 3 femmes, contribuant ainsi à donner ses premiers cadres au Maroc indépendant.

Dans le domaine politique, Abou Bakr El Kadiri a privilégié son action militante au sein des instances dirigeantes du parti de l’Istiqlal aux charges ministérielles qui lui ont été proposées. Il a été membre du comité exécutif du parti de l’Istiqlal puis membre, jusqu’à son décès, du Conseil de la Présidence du parti. Il a par ailleurs été désigné membre du Conseil national consultatif en 1956, de la Commission constitutionnelle en 1960 et du Conseil de régence nommé par SM Hassan II en 1980.

Il a également été chargé de plusieurs missions diplomatiques, parmi lesquelles la préparation de la conférence de Tanger d’avril 1958, à laquelle il participe activement, la préparation de la première conférence islamique tenue à Rabat en 1969 et la défense de la cause de l’intégrité territoriale du Royaume en 1975.

Fermement attaché à la cause palestinienne, qui a été l’un des combats de sa vie militante, il a participé à la fondation de l’Association marocaine de soutien à la lutte palestinienne en 1967, dont il a assuré la direction pendant plus de 20 ans.

Intellectuel, membre de l’Académie du Royaume du Maroc depuis 1982 et de l’Union des écrivains du Maroc, il est l’auteur d’une cinquantaine d’ouvrages et a fondé et édité la revue Al Imane (la Foi) et le journal Arrisala (le Message).